23 Juil
RED & BLUE DEVILS
RED & BLUE DEVILS

Au fil du temps …

1914 – Thann. La Première Guerre vient de se déclarer. En Alsace occupée Aimé, jeune homme de grande stature, sévère et toujours bien habillé s’apprête à fuir son village pour rejoindre les rangs de l’Armée Française. Il y deviendra canonnier. 


1915 – Hartmannswillerkopf
. La Guerre fait rage au-dessus de la Vallée de la Thur, encore considérée comme territoire allemand. A quelques kilomètres de Thann, sur les crêtes des Vosges, le Hartmannswillerkopf est le lieu d’effroyables combat. 

Cet éperon rocheux est stratégique a plus d’un titre.

D’abord, il permet d’observer la plaine d’Alsace et de contrôler tous les mouvements qui s’y passent. Ensuite – et surtout – c’est depuis le début du conflit en 1914 la “frontière” entre la France et l’Alsace occupée – encore considérée comme territoire allemand. 

Dans les tranchées sommaires du Vieil Armand (nom francise du Hartmannswillerkopf attribue à la fin de la Guerre), les soldats du 27eme Bataillon de Chasseurs Alpins défendent leurs positions. La forêt vosgienne est désormais truffée d’abris, de casemates et de tranchées. L’armée allemande quant à elle, campe dans des tranchées et des fortins bétonnés. A quelques centaines de mètres de la, sur la crête du Sudelkopf, Albert Roche – jeune soldat du 27eme BCA – s’apprête lui aussi à partir au combat. Il deviendra un des grands heros de la Grande Guerre. 

Les soldats sont épuisés. La mort est partout.

Le 27eme BCA résistera bravement. Ses hommes s’illustreront par leur courage – a cote de ceux d’un autre Régiment qui deviendra bientôt le “Premier Régiment de France” et le symbole de l’Alsace : le 152eme RI (Régiment d’Infanterie). 

Les Chasseurs Alpins gagneront leur surnom de Diables Bleus sur ces froids contreforts alsaciens.

Pendant ce temps, Aimé s’apprête à partir avec son unité vers un village encore inconnu nommé Verdun. Mais son esprit est un peu ailleurs, à Thann, ou est reste sa famille. 

 

1945 – Gare de Mulhouse. Aimé vient d’être libéré du Camp de Concentration. 

Héros de la Premiere Guerre Mondiale, résistant et déporté, il débarque du train qui le ramène de captivité. Il veut vite revenir à Thann.  Entoure de sa femme et de ses trois enfants, il y pleurera bientôt la mort d’un de ses fils – Jean – décédé à la suite de ses blessures de guerre. Jean et Aimé seront enterrés cote a cote, dans le petit cimetière de St Amarin, pas loin du Sudelkopf.

 

1986 – Cimetière du Vieil Armand. La tradition du 152eme veut que tous les nouveaux conscrits se rendent à pied depuis la garnison de Colmar jusqu’au sommet du Vieil Armand pour y recevoir leurs insignes. Après cette marche de 35 kilomètres – principalement en montée – les soldats sont fatigués. 

Après un court repos, ils se recueillent sur les tombes en attendant le début de la cérémonie, dès que le soleil s’effacera. 

La nuit est là. Les torches illuminent le cimetière militaire. 

Au son de la Marseillaise, les jeunes soldats du 152eme RI – Les Diables Rouges – déposent des fleurs sur les tombes de leurs ainés morts sur cette montagne. Non loin de là, la crypte qui s’enfonce dans la colline abrite les restes de près de 12000 soldats ainsi que de nombreux objets retrouvés sur le champ de bataille. 

A la lueur des feux, on aperçoit le célèbre écusson du 152eme. Le surnom de Diable Rouge a été gagné lors de la bataille du Vieil Armand.

Diables Bleus et Diables Rouges sont unis pour toujours sur cette colline ensanglantée. Les 1640 tombes portent toutes le nom du soldat décédé, la date de sa mort et son Régiment. De nombreuses croix blanches portent soit l’indication 152eme RI ou celui d’un bataillon des troupes de montagne. 

Avant de repartir, certains soldats se rendent une derniere fois dans la crypte. 

Un des jeunes conscrits passe devant les vitrines où sont disposées de nombreuses armes, des uniformes, des restes de rations et divers objets trouvés dans les tranchées. Soudain, il s’arrête devant une très vieille montre de “poilu”, placée entre un revolver et un manuel d’instruction. 

Il est maintenant temps de repartir pour Colmar. 

 

2014 – LACMA (Los Angeles County Museum of Arts). Ce tableau est bien étrange. 

Il représente l’Armée tchécoslovaque entrant dans la ville de Vladivostok en 1918. L’artiste – George Lurk – s’est rendu célèbre en peignant des scènes destinées à réveiller la fibre patriotique des américains. 

Une famille qui visite pour la premiere fois le célèbre musée de LA, s’arrête devant le tableau. 

Après quelques secondes passées devant la peinture, ils continuent leur visite. Dehors il fait beau. La Californie est leur nouvelle destination. Ils ont quitté la France il y a quelques mois.

La ballade les mènera plus tard à Beverly Hills. Entre les diverses boutiques de luxe, une petite échoppe vend des montres vintages. En vitrine, une montre de marque MERE datée de 1915, accroche l’attention du père de famille. Son cadran gris argenté est fortement patiné. Les chiffres blancs sont devenus crème. Ils sont surdimensionnes, mais la piece de 33mm semble cependant modeste. 

Fièrement, une petite note identifie cette pièce comme une “Trench military watch World War 1”

Elle lui rappelle le Hartmannswillerkopf. 

1918 – New York. Lors de la Liberty Bond Parade, des chasseurs alpins issus de différents bataillons défilent sur la 5eme Avenue. L’objectif est de promouvoir l’effort de Guerre et essayer de convaincre les Etats-Unis de s’engager dans le conflit. 

Tous ont obtenus au moins une citation et la majorité d’entre eux ont été blessés au combat. Le lieutenant qui les commande a subi plusieurs blessures. Ils portent leur célèbre uniforme bleu et leur large béret noir. Les drapeaux américains sont accrochés à toutes les fenêtres et la foule est nombreuse. 

Impressionnés par leur bravoure, certains jeunes américains qui s’étaient engagés dans la Légion ou dans les Forces Françaises reviennent dans leur pays et contribuent à la légende de ces Blue Devils of France. Ils feront tout pour les faire parader sur une des plus majestueuses avenues du Monde. 

Certains iront étudier dans la célèbre Duke University. Qui baptisera sa mascotte – et son équipe de Basket : Blue Devil !

Mais revenons a New York. 

Sur le trottoir, George Lurk immortalise le défilé des francais. “Blue Devils on 5th Avenue” deviendra un de ses tableaux les plus connus. Il est désormais visible à Washington DC, au sein de la Collection Phillips. 

 

 

2020 – online. Quand j’ai vu les montres Riskers pour la première fois, j’ai ressenti pas mal d’émotions. 

Ces montres ne sont pas de simples pièces d’horlogerie. 

Elles rendent hommage à des hommes (le courageux Albert Roche, le médecin guide – et alsacien Pierre Muller, Guillaume d’Abboville ou les troupes de Montagne) et des causes (Douleur sans Frontière, Enfants du Mékong) Elle parle de ceux qui ont pris des risques, mais qui sont restés discrets. 

Les Riskers sont de belles montres. J’aime leur design à la fois classique et original qui marque les esprits. 

Mais de manière plus importante, elles me parlent d’une histoire qui est un peu la mienne. 

 

Aimé était mon grand-père.

Il repose désormais dans le cimetière de St Amarin, à coté de sa femme et de mes parents

J’ai eu l’honneur de défiler au Hartmannswillerkopf

La vie m’a amené en Californie – au LACMA et à Beverly Hills. 

Et – bien sur – je me rappelle parfaitement cette montre militaire …. 

 

 

Serge Panczuk, expert horloger et chroniqueur.